Ils disent de lui...

Pour lui, il n'y a pas de beau catalogué et hiérarchisé. Il le découvre partout.  Il n'est pas quelque chose qui surgit de l'extérieur, c'est une réalité qui tient de lui et qui nous révèle ce que nous pourrions être.

 

Il nous donne toujours une possibilité.  Il nous l'offre et il nous donne le soin d'en faire un chemin de transfiguration.

 

Il y a beaucoup d'amour dans sa peinture.  Il fait ce qu'il aime, parce qu'il aime et qu'il nous aime.  "Il n'y a rien de plus artistique que d'aimer les gens", écrivait Van Gogh à son frère Théo.

 

C'est le premier pas dans le vécu de l'Amour, premier pas vers le bonheur.

 

I'Etre humain est fondamentalement appelé à créer ce qu'il est. C'est la fonction de l'art, celle que Pierre Deuse fait découvrir à ses élèves.

 

A partir du moment où on fait la connexion entre le corps, le cœur et l'esprit ; il y a en nous un appel à naître, à renaître et reconnaître ce qu'on est appelé par l'acte créateur.

 

Pierre Deuse nous rappelle par son enseignement. et son œuvre que la peinture en est un merveilleux moyen. Par elle, nos rêves commencent à se réaliser en ouvrant le temps et l'espace.

 

Sur la verticale et sur l'horizontale, l'Art nous rappelle que dans tout ce qui vit, il y a les opposés. Il est une sorte de crucifixion qui devient signe de résurrection.

 

Une fleur qui pousse c'est un miracle. La peinture tient souvent du miracle elle aussi.

 

Le devenir d'un être vivant ce n'est pas un fait, c'est une réalité dans laquelle nous sommes impliqués.

Etre soi par la beauté, c'est l'Art.

La création artistique ne peut naître que de la liberté.

La liberté ne dépend de rien. Elle est ce "rien". C'est parce qu'elle n'est rien qu'elle peut tout.  Elle vient du dedans, c'est-à-dire de nulle part, si ce n'est du fond du cœur.

 

                                                                              André Gence, Février 1999.

Pierre Deuse

Si la peinture est avant tout une écoute du silence du monde, Pierre Deuse est un silencieux au sens propre comme au sens figuré.

 

Sa peinture ne fait pas de bruit, faite de méditation elle ajoute à la réalité naturelle un supplément métaphysique révélateur de sens.

 

La couleur le possède plus qu'il ne la possède. 

S'il lui arrive de tirer la cloche parce qu'il est croyant et pratiquant, il n'a jamais tiré les sonnettes.  Pécheur parfois, quémandeur jamais.  Patiemment, continûment, discrètement, il a fait et fait encore son œuvre sous le toit de sa grande maison de Visé qui est son "petit pays" et même davantage. Il est "monté en ville" après être descendu de ses hauteurs natales de Sarolay/Cheratte, terre de quelques artistes de qualité, sorte de relais (avec arrêt indispensable chez le truculent et accueillant Abel Braham) entre l'Ecole (?) liégeoise et celle de Verviers.

 

             D'abord, en ses débuts, peintre-artisan faussement naïf, il agençait des façades rustiques, des intérieurs campagnards en de petits tableaux reliefs épais mais sans volume, un peu à la manière d'une illusion, d'une tricherie de cinéma ou de théâtre. On attendait qu'un acteur ou un paysan fumant la pipe surgisse de derrière le décor.

Boursier Darchis, il s'en fut à Rome où, plutôt que de copier les Antiques, il dessina des dessins à la craie, au fusain, paysages imaginatifs puisqu'ils étaient intérieurs.

Paradoxalement, Pierre Deuse inaugurait à Rome -où il y a tant à voir et à aimer- un refus du motif, du sujet extérieur à lui-même. Cet artiste un peu secret mais immergé dans la vie sociale allait, pas à pas, en lui-même mais sans rien refuser des allusions à la réalité des souvenirs ou des choses vues, découvrir assez de richesse méditative pour alimenter une œuvre de signes et de silence.  Ainsi, au pastel gras, dans les années 70, Pierre Deuse se dégagea de la figuration mais sans systématisme. Qui cherche trouve encore, discrets au détour d'une œuvre de ces années-là, une ferme ou un morceau de paysage.

Donc intériorité d'abord (ça, c'est l'homme), ensuite organisation de l'espace, déconstruction puis reconstruction selon un plan sans sécheresse qui s'impose au fur et à mesure du travail : ça, c'est le peintre qui utilise la couleur acrylique.

 

             A la suite d'une rencontre déterminante, les armes toutes pacifiques de l'homme et du peintre allaient se renforcer d'une spiritualité active puisque déjà vécue. Pierre Deuse confesse avoir été subjugué par la personnalité et l'œuvre d'André Gence prêtre et peintre français dans la mouvance du groupe Art sacré qui comptait parmi ses prosélytes Mannessier, Bazaine, Bissière sous l'égide théorique de Kandinsky et de Klee (Du Spirituel dans l'Art) : rien que du beau monde ! Il est évident que la rencontre et l'amitié d'André Gence n'étaient pas tout à fait fortuites : chez Pierre Deuse, le terrain était depuis longtemps propice à cette illumination. Son œuvre reposerait sur autre chose, sur une source bien plus profonde que celle de l'art : elle serait à la fois témoignage d'un artiste saisi, à sa façon, par sa spiritualité, cette soif d'absolu qui dépasse la peinture, la peinture seulement.

 

             Pour celui qui peint comme pour celui qui écrit, il y a des rituels, des "mises en condition", personnels et adéquats.  Dans le grand salon de sa maison trône une admirable sculpture au bois noir poli comme un miroir : le piano de concert de Madame Deuse, demi-finaliste du Concours Peine Elisabeth, professeur honoraire au Conservatoire. Dans l'atelier, dans l'antre du peintre, Pierre Deuse accompagne les gestes de l'artiste - en quoi 1'artiste-créateur est plus que d'autres fils du Dieu démiurge - des accents apaisés, psalmodiés de la musique liturgique, surtout orthodoxe. Ainsi, les signes naissent, s'ajoutent, s'imbriquent dans des tableaux peints à ras bords avec souvent un souci de symétrie, de stabilité, de paix (re)trouvée renforcé -aujourd'hui- par l'utilisation de sphères dont la spatialité terrestre est chargée de signes, de traces, d'ex-voto abstraits qui apparentent ces œuvres à la fois monumentales et intimes à de modernes icônes.  Ce sont, labourées par des couleurs souvent chaudes, profondes, intenses, des surfaces de méditation, de contemplation, les incarnations dans la peinture des réflexions, des rêves, des attentes d'un artiste authentique doublé d'un mystique qui n'avoue que quand un incroyant l'interroge.

 

Et le critique de se dire que Dieu -s'il existe- et l'Art reconnaîtront les leurs.

Mon ami Pierre Deuse devrait en être.

 

                                                                 Jacques Parisse, Février 1999.

Pierre Deuse est croyant ; le signataire de ce texte croit en Pierre Deuse.

 

A peu d'années près, leurs carrières coïncident : le peintre vedette du jour en cette Salle Saint-Georges et le critique sont entrés tous les deux dans le "milieu de l'art" au début des années 60. Ce n'est donc pas d'aujourd'hui qu'ils se connaissent.

 

Pierre Deuse n'est ni l'homme des éclats, ni celui des éclaboussures. 

André GENCE, Prêtre Artiste Peintre de la Mission de France

Jacques PARISSE,

 chroniqueur d'art bien connu des milieux artistiques liégeois

Près d'une centaine d’oeuvres de Pierre Deuse sont présentées au musée d'art Wallon, salle Saint-George. Né à Sarolay, cet artiste est aussi l'un des professeurs les plus appréciés de l'institut des Beaux-Arts Saint-Luc de Liège. Attachés à ses profondes racines visétoises, il n'accepte d'exposer que très rarement. Avec un nombre représentatif d'huiles, de pastels, de bois collés couvant une période d'une quarantaine d'années à partir de 1965, cette exposition se propose d'explorer les temps forts du travail d'un créateur influencé par les plus grands courants de la pensée.

 

Pierre Deuse est de ces hommes qui comme Giono orientent leur vie comme on oriente un bateau, en se servant des étoiles. En effet comme l'écrit Olivier Debré: "l'idée de l'espace et le comportement de l'homme sont toujours liés et le concept de l'espace varie beaucoup suivant l'idée que l'on s'en fait et que l'on se fait de soi-même. La définition de l'espace est celle de l'être et inversement,

 

C'est à une véritable introspection que Pierre Deuse se livre. Chez lui, l'inconscient joue un rôle primordial. Mais peu d'artistes osent en parler et encore moins montrer les errements de l'inspiration, préférant souvent ne proposer que des oeuvres parfaitement achevées.

 

Cet échange d'énergie vivante entre l'homme et l'espace, Pierre Deuse le traduit en des paysages colorés, construits une complémentarité absolue entre l'homme et l'espace. Parfois, il se situe dans une hiérarchie à la fois plastique et esthétique, mais aussi il ne peut s'empêcher de revenir constamment au cosmique.

 

Lorsque l'on regarde ses oeuvres des années 60, on est surpris par le fil conducteur, par le dénominateur commun qui unit ces périodes.

 

On sait combien cet artiste sincère et véritable a toujours proposé des oeuvres très réfléchies, bourrées d'allusions bien codées. Dans les années 80 il ordonne le chaos originel par des scènes de la vie quotidienne. Avec une géométrie personnelle, il organise des étendues circulaires, établissant une sorte d'immobilité primordiale. En fait, Pierre Deuse dessine et peint comme s'il se situait au coeur de l'univers. Il n'est pas le spectateur de ce qui se déroule, mais plutôt le traducteur de ce qu'il ressent. Ce grand dessinateur dont l'oeuvre baigne dans une harmonie de formes et de signes met en valeur les dérives de la condition humaine.  Monde de fleurs, de lunes, de soleils et d'eau. Monde de regards et de paysage vides dans lequel se continue l'esprit surréaliste wallon mais qui relève aussi un certain expressionnisme puissant, servi par une technique magistrale et un sens du trait tout en courbes et en nuances.

 

Hors du temps ? Nul doute qu'il marquera son temps car devant ses oeuvres, nous sommes confrontés au mystère divin et esthétique de la vie.

 

Pierre Deuse est sans cesse tourné vers le ciel. Mais l'art moderne n’est pas aussi une sorte de débat avec l'espace.

 

                                                                 Lucien Rama

                                                                 ARTS ANTIQUES AUCTIONS Mars 1999 n°299.

Surfaces de méditation

 

Ce peintre liégeois, né en 1940, apparut pour la première fois en 1970, aux cimaises bruxelloises.  Cela à la Galerie Amorial, où se déroula le début de sa carrière, avec des pastels moelleux, caractérisés par la douceur enveloppante des formes et le charme d'une inspiration, à la fois secrète et épanouie.

Depuis, Pierre Deuse a largement élargi son coloris.  Il n'a pas abandonné ses bleus graves et ses ocres brûlés, mais il a déployé aussi des veloutés de mauves roses et des splendeurs de vert prune ou de cuivre chaud.  Parfois un mince trait de pinceau fait courir, dans la matière poudreuse du pastel, un graphisme d'encre transparente ou de couleur, à l'huile très diluée. Tout cela, élégant et hermétique, baignait dans une sérénité communicative.

 

Peu à peu, les œuvres de Deuse gagnaient en maturité. Il y apparaît un ton nouveau d'expressionnisme, une assurance qui fait bon marché du sujet, qui s'intéresse d'avantage au climat d'ensemble de ses peintures qu'à son analyse. Tout cela est grave, réfléchi, plein de conviction.

 

L'abstraction n'est pas loin. Elle est même tout près. De ces fragments de villages sans habitants, de ces petites maisons tordues se grimpant les unes sur les autres, à la manière de celles de Chagall, l'artiste passe sans difficultés à des pages informelles, où les contours s'estompent, où seules les valeurs plastiques viennent puissamment se jouxter, gommant les limites des formes pour se muer en une chaude arlequinade de morceaux disparates.

 

Pierre Deuse est toujours resté très maître de son langage. Celui-ci est visiblement le fait d'une longue et lente prospection du monde du rêve et de la méditation. Loin de nous décrire un spectacle, il nous invite à partager tantôt une angoisse, tantôt une ferveur, nous offrant toujours la générosité d'une sensibilité, qui s'attache à merveille à des prospections de ses “anfractuosités” que sont les gouffres de l'imaginaire. Car il est resté fidèle à ses niches, à ses portes d'étable, à ses entrées de cave, où il semble se réserver toujours la possibilité de fuir, de se terrer, de tendre l'oreille à ce qu'on dit de lui. C'est un art fervent, riche de secrets.

 

Jacques Parisse nous livre, en conclusion de sa préface au catalogue de l'artiste, des lignes qui vont au-delà du commentaire plastique : “Ce sont, labourées par des couleurs souvent chaudes, profondes, intenses, inattendues, des surfaces de méditation, de contemplation, les incarnations dans la peinture des réflexions, des rêves, des attentes d'un artiste authentique, doublé d'un mystique qui n'avoue que quand un incroyant l'interroge... ”

 

             Stéphane REY

Vendredi 16 avril 1999

           L'ECHO 15

N°75 - 119ème ANNEE

Stéphane REY, chroniqueur d'art de quotidiens belges

Lucien RAMA, critique d'art belge francophone

« Il y a quelque chose de contemplatif, de serein chez cet artiste qui est aussi un patient et méticuleux artisan. S’il déforme ses paysages et ses perspectives, ce n’est pas par maladresse, loin de là, mais pour leur donner une plus grande force symbolique. Car ses sujets disent la montée vers l’absolu, le spirituel en une élancée de toits, de colline ou d’échelles, qui sont de Jacob, mais qui sont aussi (et surtout) notre vieux rêve de dépassement, loin des contingences.

 

Œuvre de haute tenue, dans tous les sens du terme, dans ses sujets comme dans sa forme, l’œuvre de Pierre Deuse, chargée de sens, est d’une grave et noble beauté. »

 

                                                                              Willy Lesur, RTBF, 22-2-1994.

Willy Lesur, Journaliste Culturel à la Radio Télévision Belge Francophone